1/4
Dirigeant chrétiens www.lesedc.org
Bimensuel
Janvier - Février 2009 / N° 33
Par Fanny Bijaoui
Rencontre avec Mohed Altrad,
président de la société Altrad
Bâtir une Suvre utile à tous
Ce chef d entreprise né dans le plus grand dénuement au cSur du désert syrien est aujourd hui à la tête d une multinationale spécialisées dans les matériels de chantier. Il a pour devise : La difficulté n est pas de faire, mais d oser faire.
Vous êtes né et vous avez grandi dans le désert.
Votre parcours tient du miracle &
Je suis issu d une tribu nomade, né en Syrie en 1948. Très tôt orphelin. J ai été interdit d école parce que bédouin.
J ai appris à lire et à écrire en restant assis des journées entières derrière la porte de la classe à épier les cours. Le maître d école s est pris d affection pour moi et il m a permis d aller étudier à la ville, à Raqqah.
À 17 ans, j ai été reçu premier au bac dans mon département.
Avec une bourse j ai pu venir étudier la pétrochimie en France jusqu au doctorat en informatique. Après Alcatel et Thomson et un long séjour aux Émirats, je suis revenu en France, où j ai créé mon entreprise dans l informatique. Avec l argent empoché
lors de la vente de cette société à Matra, j ai pu racheter en 1985 une PME en faillite, spécialisée dans les échafaudages. Remise d aplomb, elle a été le socle du développement d Altrad, tant par croissance interne qu externe, dans le matériel pour le BTP. Aujourd hui, ce groupe est le n° 1 mondial de la bétonnière, le n° 1 européen de l échafaudage et de la brouette et le n° 1 français de la barrière de sécurité.
Comment envisagez-vous votre enfance avec le recul ?
Quand on se tourne vers son enfance, quoi que l on fasse pour rester objectif, on la reconstruit à travers des prismes. Le mien, c est le sentiment d avoir vécu un raccourci d histoire. Lorsque je considère mon passé, ce n est pas tant aux événements spécifiques de mon enfance que je pense qu à la contraction du temps que j ai connue en passant du désert, où je courais pieds nus, aux jets avec lesquels je sillonne l Europe. Il me semble qu en l espace de moins d une vie, quelques années, j ai résumé des siècles. Cela m est d autant plus sensible que rien ne m a été offert. J ai dû le gagner. C est une expérience qui m a profondément marqué. Pour autant, si mon enfance a été dure, si elle a connu son lot d injustices, c est aussi à elle que je dois d être arrivé au point où j en suis aujourd hui. Je n ai pas été arraché de force à
mon enfance comme à une prison. Je me suis battu à partir d elle contre l adversité.
Et, si elle est parsemée de souvenirs pénibles, elle en recèle aussi de lumineux :
des amitiés, des sourires, des gestes de générosité qui en font partie intégrante,
et qui m ont permis, tout autant que mes propres efforts, de me construire.